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Cette « vie boiteuse » dont parle L’apprenti sorcier, cette malédiction au regard d’un homme dont tous les écrits célèbrent « l’homme entier », c’est cela que l’on voudrait interroger ici, cela qui constitue en effet le pivot de la réflexion de Bataille sur la rationalité et son envers. Questionner donc une « boiterie » qu’il faut surmonter, par-delà la science, l’art ou la politique, tous insuffisants, puisque renvoyant l’humanité non pas à l’imprévisible de la « vie », à ses « possibles » et à ses « chances », au libre jeu et à la pleine disposition par l’homme de ses ressources intellectuelles et corporelles, mais à la petite monnaie des « détails » qui nous arrachent à nous-mêmes, nous réduisent à ce maillon de la chaîne que nous sommes, à ces «fonctions» nécessairement partielles et fétichisantes qui menacent de « supplanter » l’homme, à tout le moins le contraignent au désordre pour échapper à la contamination précisément fonctionnelle.
Jean Borreil (1938-1992), Co-fondateur de la revue Les Révoltes logiques avec Jacques Rancière et Geneviève Fraisse, enseignant à Paris VIII et directeur de programme au Collège international de philosophie, il a publié Dissonances (Actes Sud, 1985), L'artiste-Roi (Aubier, 1989) et La raison nomade (Payot, 1993). |
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